« Que Trepalium si je faiblis » – Interview : lagrandeevasion.fr

Un ovni dans un paysage télévisuel souvent balisé, Trepalium prouve encore une fois la vitalité d’Arte, chaîne culturelle franco-allemande qui ne cesse d’affirmer sa volonté de s’éloigner des standards. Il fallait oser l’univers d’anticipation à budget serré (500 000 euros par épisode, rien de trop) et si le résultat semble perfectible, la série mérite plus qu’un simple coup d’œil. Dans ce monde froid, lugubre, évidé, la musique de Thierry Westermeyer se charge de donner chair et résonance.

En France, il n’est pas si courant de voir des séries de l’acabit de Trepalium, avec une réelle ambition scénaristique, esthétique et dans un genre finalement peu exploité sur nos écrans étriqués. Aviez-vous déjà travaillé sur ce genre de projet ?

Absolument pas et j’ai accueilli ça comme un vrai cadeau car cet univers me parle énormément. J’en suis très amateur, j’y vois des résonances de Kubrick avec Orange Mécanique, même si c’est une autre forme de dystopie. Cela peut également se rapprocher de Bienvenue à Gattaca…Tous ces univers d’anticipation me parlent vraiment et je n’avais jamais encore eu l’occasion de m’exprimer sur un tel sujet. C’est une vraie première pour moi et j’attendais cela depuis longtemps.

En tant que compositeur, on imagine qu’une série comme celle-ci offre une plus grande liberté d’écriture ?

Le thème permet à l’imaginaire de voyager, d’être moins dans le musical pur, un peu plus dans la recherche de sonorité. Au delà de trouver une jolie mélodie qui enrobera le tout, il y a cet aspect finalement très sensoriel, un univers atypique qui n’est pas le nôtre et qui fait donc appel à des sens différents.

Comment avez-vous eu vent de ce projet ?

Tout a commencé grâce à Varda Kakon. Les producteurs de Trepalium étaient à la recherche d’un univers musical spécifique, ils ont donc fait appel à Varda qui a proposé plusieurs noms. Nous avons ensuite, chacun dans notre coin, écrit une petite démo sur les 11 premières minutes de l’épisode initial.

C’était votre première collaboration avec le réalisateur Vincent Lannoo, vous a-t-il laissé des directives particulières, des pistes à suivre ?

Après l’écriture de ces onze premières minutes, je me suis retrouvé assez libre. Mon idée de départ séduisait, donc, à partir de ce moment, le travail était facilité. Avec ce thème initial, Nadia, j’ai pu structurer le reste de cette bande originale, m’en servir comme fil conducteur. Pour le reste, il y a eu des échanges bien sûr, notamment sur certains passages où ressortait une idée précise sur la teneur musical. De ce point de vue, je pense que le fond était connu de tout le monde mais pas forcément la forme. J’ai donc apporté beaucoup de cette forme et un peu de fond aussi, j’espère.

Au delà de ce thème de Nadia, colonne vertébrale de la série, y-a-t-il un morceau que vous ressortez en particulier de ce travail ?

Oui, j’aime particulièrement Les plus proches, un morceau qui possède un véritable rôle narratif, c’est le thème de la révolution, un thème avec un univers propre qui ne reflète pas uniquement une émotion. Pour cette série, je voulais éviter l’écueil de la musique totalement électronique. On a tendance à associer futur et musique électronique mais Trepalium est finalement très proche de nous, c’est un univers d’anticipation donc je souhaitais des choses organiques avec de la thématique et des instruments plus acoustiques renvoyant vers les personnages. Cela me paraissait aussi évident de faire écho aux références visuelles de la série, très épurées, à l’image du siège du Parti Communiste, utilisé comme décor d’Aquaville et imaginé par Oscar Niemeyer.

Avez-vous rencontré des difficultés pour mettre en musique ces six épisodes ? Une entreprise logiquement un peu plus lourde que de s’atteler à un unique long métrage.

Il y a toujours une ou deux scènes qui posent débat même si cela s’est déroulé de façon très fluide, notamment à cause ou grace au délai très court. Je suis arrivé très en aval alors qu’il m’aurait peut-être fallu un ou deux mois de plus mais les choses se sont faites de façon intense et cette urgence a permis à tout le monde d’être plus synchrone. Le seul passage sur lequel nous sommes revenus plusieurs fois, c’est le générique du début.

Un exercice presque à part dans une série…

Oui c’est pour cette raison que nous avons mis un peu de temps. Le générique aurait mérité de pouvoir s’y attarder sans être parasité par le travail principal de composition. Il a fallu faire ça quasiment pendant les pauses !

Concernant vos projets, notamment votre collaboration avec Miguel Courtois, quel est le programme pour les mois à venir ?

J’ai des projets qui s’annoncent pour le mois de juin mais rien d’officiel encore. Avec Miguel, je viens de composer pour le documentaire Moi, Juan Carlos, roi d’Espagne. C’est toujours très plaisant lorsqu’on commence à tisser des liens avec un réalisateur, à comprendre son langage…cela simplifie les choses et le travail en devient encore plus intéressant.

Propos recueillis par Hubert Charrier.